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L’évaluation du préjudice écologique

Le 12 octobre 2016
La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 22 mars 2016 impose au juge du fond de chiffrer le préjudice écologique dès lors qu’il le reconnaît dans son principe.

Suite à une pollution au fuel dans l’estuaire de la Loire en 2008, la Société Total Raffinage, exploitante de la raffinerie de Donges, auteure du déversement, a été reconnue coupable de rejet en mer ou eau salée de substances nuisibles pour un maintien ou la consommation de la faune et de la flore et de déversement de substances entrainant des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la faune ou à la flore.

Si la société avait dû indemniser les Collectivités touchées par la catastrophe écologique et certaines associations, la Cour d’appel avait débouté la Ligue de protection des oiseaux de sa demande en réparation du préjudice écologique.

La LPO se pourvoie en cassation pour violation du principe de réparation intégrale.

En effet, selon la Cour d’appel de Rennes, « l’indemnisation du préjudice écologique doit se faire selon les règles du droit commun : la preuve d’une faute, la preuve d’un dommage et la relation de causalité entre les deux ; que la faute de la Société Total Raffinage est établie par la condamnation pénale devenue définitive ; que la Ligue de protection des oiseaux chiffre son préjudice d’abord sur la base d’une destruction des oiseaux et leur coût de remplacement ; qu’or la destruction des (280 oiseaux de différentes espèces) n’est pas prouvée ; que la partie civile le reconnaît elle-même dans ses conclusions, mentionnant : « une estimation fiable du nombre d’oiseaux touchés a été rendue impossible à évaluer. L’on sait cependant a minima (etc)... » ; Qu’ensuite la Ligue pour la protection des oiseaux prend pour base son budget annuel de la gestion de la baie de l’Aiguillon (163 000€) pour demander le remboursement de deux années de son « action écologique » ; que la partie civile confond son préjudice personnel et le préjudice écologique ; que ses frais de fonctionnement n’ont pas de lien direct avec les dommages causés à l’environnement ».

La Chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle alors qu’un préjudice écologique résulte de l’infraction pour laquelle la société Total a été reconnue coupable.

Elle retient la contradiction de la Cour d’appel qui a retenu deux infractions à l’encontre de la Société mais a refusé de reconnaître l’existence d’un préjudice écologique.

Ensuite, elle rappelle que le préjudice écologique consiste en l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction.

Que le rapport versé par la Ligue sur l’impact de la pollution engendrée par la Raffinerie de Donges sur la communauté des passereaux paludicoles dans l’estuaire de la Loire (...) faisait état de la désertion des zones polluées par ces oiseaux caractérisant, à elle seule, le préjudice écologique.

La Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel, estimant qu’elle n’a pas recherché si le préjudice écologique ne résultait pas de pertes temporaires de (différentes espèces d’oiseaux) constatées entre la survenance du dommage et sa réparation effective, consécutive à la dégradation temporaire de leur écosystème.

Enfin, la Cour considère que les dommages et intérêts alloués à une victime doit réparer le préjudice subi. Que si la LPO a reconnu dans ses écritures qu’une estimation fiable du nombre d’oiseaux touchés avait été rendue impossible à évaluer car elle n’avait pas eu accès au chantier de dépollution et que la benne destinée aux oiseaux morts était restée « étrangement vide », elle a affirmé que « l’on sait cependant a minima que trente avocettes, trente deux fous de Bassan, vingt sept guillemots de Troïl, seize pingouins Torda, un grèbe huppé, quatre macareux moine, cent soixante treize oiseaux indéterminés, avaient été recensés ».

En conséquence, ces pertes sont réelles.

La chambre criminelle affirme alors que la Cour d’appel a dénaturé les écritures de la LPO en estimant qu’elle reconnaissait elle-même que la destruction de ces espèces n’était pas prouvée, alors qu’elle faisait état de la destruction irréversible de plusieurs espèces d’oiseaux.

Écartant à tort toute indemnisation résultant du préjudice écologique, la Cour de cassation casse son arrêt dans ses dispositions relatives à la demande d’indemnisation du préjudice écologie de la Ligue de protection des oiseaux.

La remise en état prévue par l’article L162-9 du Code de l’environnement n’exclut pas une indemnisation de droit commun que peuvent solliciter, notamment, les associations habilitées.

Il appartient au juge du fond de réparer le préjudice écologique qu’il reconnaît et d’en rechercher l’étendue.

Les moyens retenus par la Cour d’appel pour débouter la Ligue de protection des oiseaux de sa demande en réparation du préjudice écologique, à savoir l’insuffisance et l’inadaptation du mode d’évaluation, alors qu’il lui revenait de chiffrer le préjudice (en recourant si besoin à une expertise) et alors même qu’elle avait reconnu l’existence de ce préjudice écologique consistant en l’altération notable de l’avifaune et de son habitat pendant deux années en raison de la pollution de l’estuaire de la Loire, ne sont pas justifiés.

 

Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 mars 2016, n° 13-87.650